Passionnée par le dessin depuis l’enfance, Corinne Izquierdo est aujourd’hui une artiste accomplie et reconnue dans le monde de l’aquarelle. Elle a tout d’abord été repérée par le professeur de dessin de son lycée, alors qu’elle évacuait le stress de la section sport-études qu’elle suivait en crayonnant à tout va. Aujourd’hui, Corinne anime de nombreux stages et ateliers dans le sud de la France, entre Toulouse, Narbonne et Aix-en-Provence. Elle est régulièrement invitée lors de biennales et de salons pour exposer sa technique. Rencontre.
Pinceaux Léonard : Bonjour Corinne et merci de nous accorder quelques minutes de votre temps. Pour débuter cette interview, pouvez-vous simplement nous parler de votre passion pour l’art ?
Corinne Izquierdo : J’ai une passion pour la peinture depuis toujours. Malgré tout, mes choix de vie et impératifs ont fait que j’ai d’abord travaillé 10 ans dans l’animation avant de devenir artiste professionnelle. Les acquis durant cette période de ma vie me servent encore aujourd’hui dans ma démarche pédagogique d’enseignement.
Ce que j’apprécie dans la peinture, c’est avant tout les valeurs de partage et les émotions qui émanent de certaines rencontres. C’est ce que j’essaie de dégager lorsque l’on m’invite à réaliser une démonstration. Les expositions sont un passage obligatoire pour une reconnaissance de son travail, mais sûrement pas mes moments préférés.
Mes instants de pur bonheur sont ceux durant lesquels je me retrouve face à ma feuille blanche trempée sortie de mon bac !

Bibliothèque de Fabriano – 62×52 © Corinne Izquierdo
Pinceaux Léonard : Parlez-nous de votre formation, comment êtes-vous arrivée à ce niveau ?
Corinne Izquierdo : J’ai tout d’abord été formée au dessin en cours du soir à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Toulouse, après avoir interrompu mes études de professeur d’éducation physique sur blessure. En aquarelle, j’ai bénéficié par la suite des conseils de Mr Martinez Lozano, ancien président des Aquarellistes de Catalogne et fondateur du Musée de l’Aquarelle de Llança, près de Figueras.
Pinceaux Léonard : Et quels sont aujourd’hui les peintres qui vous passionnent et vous inspirent ?
Corinne Izquierdo : Mon parcours m’amène vers une technique de plus en plus dans le « mouillé. » Après une rencontre en 2012 avec Ewa Karpinska, mon maître, ma recherche me permet de maîtriser cet art et je fais aujourd’hui partie de ce nouveau courant des « aquarellistes du cycle de l’eau. » J’ai souhaité adapter l’enseignement des phases du travail dans le « mouillé sur mouillé » pour créer mon propre style dans l’interprétation de sujets que j’affectionne particulièrement, autour du blanc et des jeux de lumière.
Pinceaux Léonard : Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans l’aquarelle ?
Corinne Izquierdo : La vue de la mer, le bruit d’un cours d’eau me détendent. Dans l’eau, je suis dans mon élément et c’est tout naturellement que j’ai été attirée par la technique de l’aquarelle, celle dite « mouillé sur mouillé. »
Lorsque je suis devant la feuille trempée, une fois la première appréhension passée, le «lâcher-prise » reprend le dessus et je joue avec l’eau.
La maîtrise de l’aquarelle dans l’humide est une aventure, presque un goût du risque, en tout cas un voyage qui par moment passe par des terres inconnues même si l’on cherche à s’approcher de la destination finale souhaitée, et correspond à mon tempérament à la fois dynamique et patient, en quête de découvertes.
En regardant mon travail, penser que cela nécessite beaucoup de préparation et de concentration, mais que j’étais loin de stresser et que je me suis bien amusée ! Imaginez la joie d’un enfant s’éclaboussant en sautant dans une flaque d’eau, je ressens les mêmes sensations devant ma feuille !
Cette discipline, où l’alliance d’une patience réfléchie et de spontanéité nécessite un engagement personnel profond de tout son être, vous apprend la tolérance et le respect. L’image symbolique que je donne de ces valeurs est celle d’une danse de couple moderne « peintre et eau », sans meneur, où chacun à son tour prend l’initiative d’un nouveau pas, tout en restant en harmonie.

© Corinne Izquierdo
Pinceaux Léonard : Qu‘en est-il de vos inspirations, où allez-vous les chercher ?
Corinne Izquierdo : Deux thèmes m’inspirent particulièrement : la Femme et l’Eau, deux sources de vie d’où émane un heureux équilibre entre la fougue de mon tempérament andalou et ma quête de sérénité. Et par dessus tout, j’ai une attirance pour les sujets blancs et le rendu du mouvement et de la fluidité, qu’une certaine gestuelle de cette approche de l’aquarelle me permet.
Pinceaux Léonard : Au niveau de votre matériel, avez-vous des pinceaux ou des outils que vous aimez particulièrement et pourquoi ?
Corinne Izquierdo : J’aime le pinceau Aquarellys puisque ma feuille est imbibée d’eau, et que de par sa composition en poils synthétiques, il me permet de saisir davantage de pigments que je prends directement des tubes. De plus, suivant la manière de le tenir, il nous permet de faire des aplats de masse de couleurs ou des lignes très fines.

Corinne Izquierdo utilisant l’Aquarellys
Ensuite, j’aime le pinceau en martre Kolinsky série 87RO, sa ligne longue et sa pointe fine permettent le tracé de « fils d’eau » qui « ouvrent des chemins » en retrouvant le blanc du papier et permettent ainsi de suggérer des formes dans les masses de couleurs.
Enfin, le pinceau essentiel est le pinceau à lavis petit gris série 72 qui a deux utilisations. Dans la phase du papier mouillé, ce pinceau à réserve d’eau laisse couler mes pigments avec douceur ; dans la phase du papier mat frais, je l’utilise pour réguler l’humidité ou « ouvrir un blanc net » en aspirant l’eau et je le garde toujours propre et séché, prêt à intervenir pour retrouver la lumière avec le blanc du papier ou arrêter une auréole.
Pinceaux Léonard : Pouvez-vous approfondir vos explications sur la technique du cycle de l’eau ?
Corinne Izquierdo : J’en parle déjà beaucoup avec le rôle des trois pinceaux cités ci-dessus mais, pour résumer, « l’aquarelle suivant le cycle de l’eau » permet d’accueillir le sujet à bras ouverts avec lâcher-prise. J’aime cette vision de grandes masses de couleurs dans lesquelles je dessine ensuite pour finalement arriver à un travail tout en minutie. Cela requiert à la fois beaucoup de spontanéité et surtout de la patience.
J’aime aussi l’aquarelle traitée différemment en extérieur avec le « mouillé sur mouillé » et
le « mouillé sur sec ». Mais de manière générale, tous les styles d’aquarelle me plaisent pour la lumière et la légèreté qui s’en dégagent quel qu’en soit le procédé.
Pinceaux Léonard : Quelle est à l’heure actuelle la réalisation que vous appréciez le plus ?
Corinne Izquierdo : Choix difficile et je vais donc parler avec émotion d’une histoire de cœur. Il s’agit de l’aquarelle « Bibliothèque de Fabriano » format 60×55, réalisée lors des rencontres mondiales de Fabriano en Italie, en avril 2016. Il fallait réaliser l’aquarelle en une heure et cela a été un véritable défi car ma feuille ne séchait pas assez rapidement !
Cela a créé un certain suspens dans le public et à la fin une standing ovation, y compris de la part de quelques grands aquarellistes internationaux présents. De plus, alors que je n’arrivais pas à décider du thème pour cette démonstration, j’ai finalement choisi la veille de peindre des livres. Cette idée était liée à un cadeau d’anniversaire de mariage pour fin avril, en relation avec une fête traditionnelle en Catalogne pour la Saint-Georges : Sant Jordi (une rose offerte aux femmes et un livre aux hommes). Cette aquarelle est donc en collection privée.
Pinceaux Léonard : Et pour terminer, avez-vous un conseil à donner à une personne qui souhaite se lancer dans la pratique de l’aquarelle ?
Corinne Izquierdo : D’abord commencer par des exercices simples, puis apprendre à connaître son matériel. Surveiller la réaction des pigments en démarrant avec les 3 couleurs primaires pures et transparentes et en essayant tous les mélanges possibles pour n’obtenir que des tons propres, du plus clair au plus foncé.
Si cette personne est attirée par le jeu avec l’eau, il est préférable qu’elle commence avec de petits formats sans dessin afin de comprendre toute la gestuelle liée au « cycle de l’eau. »
Nous remercions chaleureusement Corinne Izquierdo pour cette interview et nous vous invitons à découvrir le reste de son travail sur son site internet et sa Page Facebook.